Je suis un néo-Vendéen, arrivé il y a vingt ans dans ce département du 85 dont les habitants et les traditions depuis me fascinent. Pourtant, certaines habitudes ou expressions ne sont pas sans me rappeler mon Périgord natal : du drôle (petit enfant) que j’étais à l’adulte qui essaie d’éviter de virouner (tourner sans rien faire) ou de bourriner (faire sans attention). Mais… question vie économique, les deux régions paraissent un peu aux antipodes. Ici, le réseau d’entreprises, son dynamisme, son ancrage et ses codes continuent de m’impressionner. Qu’en est-il du numérique et de la tech ? Profitent-ils de ces ferments et de cette culture d’entreprendre ? Mes réflexions… qui ne demandent qu’à être nourries de vos commentaires.
Entreprends, entreprenons, entreprenez !
La Vendée se conjugue à tous les temps de ce verbe « entreprendre ». Dans mon passé-présent d’entrepreneur, je ne cesse de rencontrer de belles entreprises dans cette région du haut bocage vendéen : on y trouve beaucoup d’énergies et de synergies, de beaux produits, énormément d’emplois générés et un taux de chômage parmi les plus faibles de France, très peu d’exode rural (comparé à mon pauvre Périgord). Bref, la dynamique entrepreneuriale est bel et bien là, notamment dans les secteurs du bâtiment, de l’agroalimentaire et du tourisme. Comment expliquer cette spécificité vendéenne ? L’Histoire, encore elle, nous fournit quelques clés de compréhension sur lesquelles Alain Chauvet dans sa thèse Porte nantaise et isolat choletais. Essai de géographie régionale nous éclaire. Rappelons que ce que l’on nomme « Vendée » se révèle être, dans ce contexte éco-industriel, un territoire plus large : disons qu’il s’agit d’une région allant de Cholet jusqu’à l’Atlantique, parfois dénommée « Vendée choletaise » ou « Sylicon Vendée ». Le découpage postrévolutionnaire des départements ne correspond pas toujours à l’identité et à la culture des populations. Dans cette région élargie de l’Ouest, conceptualisée par Alain Chauvet sous le terme « isolat », il y aurait donc une sorte de génétique industrielle et entrepreneuriale : l’état d’isolement, lié à la géographie et la ruralité du territoire, aurait obligé “les habitants à développer des modes d’organisation et des solidarités spécifiques”. Ainsi, de nombreuses entreprises sont nées et ont pu prospérer avec le concours d’une population solidaire, dévouée et pour laquelle la valeur travail est importante, voire viscérale. Mais il semblerait que cette dynamique, séculaire, ne se retrouve pas dans l’économie numérique.
No numérique land ? Mythe ou réalité ?
Cette culture socio-économique ancienne explique l’émergence d’entreprises le plus souvent familiales, très implantées localement, même si souvent une grande part de la clientèle est à l’international. Cela donne l’impression que les licornes numériques qui se développent sans client, par des levées de fonds successives, ne correspondent absolument pas aux valeurs du territoire. Dans cette Vendée choletaise qui a les pieds sur terre, un business qui se respecte, et qui se développera, doit avoir de vrais clients et de vrais produits. Ajoutons que la Vendée ne dispose pas d’« un » centre économique, mais de plusieurs pôles (Montaigu, Les Herbiers, Les Sables, Fontenay…), ce qui peut nuire à la mobilité interentreprises et à l’émergence de polycompétences. Et puis… il y a sans doute aussi une défiance historique envers « la » méga rivale, la ville de
Nantes, et dans une moindre mesure envers la voisine de La Rochelle. Les fantômes des Guerres de Vendée rôdent toujours et une sorte de complexe d’infériorité perdure. Les échanges avec ces deux pôles numériques majeurs ne semblent pas fréquents.
Alors exit… les chimères numériques ne rentreront pas chez nous ? Ce n’est heureusement pas si simple. De nombreux lieux et événements autour du numérique se sont développés sur le territoire. Citons évidemment le Ludylab à Chambretaud, la Loco numérique à La Roche-sur-Yon, Numerimer aux Sables-d’Olonne ; la Vendée French Tech anime les startups et l’Innovation Week réunit l’écosystème une fois par an. Dans ces lieux, et pas que, de nombreux cercles professionnels existent. J’y rencontre des dirigeants certes… mais beaucoup trop peu de collaborateurs qui pourtant y tro
uveraient matière à échanges et de quoi nourrir leurs bonnes pratiques. Nous arrivons sûrement à un moment clé : une mutation est à venir, dans les dix ans, qui inclura la disparition de certains métiers et l’apparition de nouveaux. La Vendée industrielle a les atouts pour s’y préparer sereinement, le veut-elle ?
Une Vendée Data demain ou après-demain ?
En raison de la longue histoire des structures présentes sur le territoire, sans surprise, l’expertise prend une part prépondérante dans les entreprises vendéennes : on y reste longtemps que l’on soit dirigeant ou employé. L’expertise prend donc naturellement le pas sur les données. Or, insistons : le recours important aux données est un excellent complément à l’expertise lorsqu’il faut prendre des décisions. Mais rappelons aussi que l’accès à l’utilisation des données nécessite que l’entreprise tout entière prenne le temps de construire le collectif qui sera à la manœuvre pour gérer, partager et valoriser les données. Juge-t-on ici que le ticket d’entrée au data driven est trop élevé ? Le pragmatisme l’emporte sans doute sur une démarche vue comme accessoire avec un return on investment pas du tout évident. Mon rôle : lever ces boucliers…
Loin de moi l’idée de montrer du doigt des entreprises vieillissantes, incapables d’innover, ce que les entreprises que je rencontre ne sont absolument pas. Mon propos, probablement polémique, est sous forme interrogative. Je souhaite comprendre les freins existant actuellement sur la numérisation des processus en général et l’utilisation des données en particulier. J’ai soulevé des questionnements, étayés par quelques constats : je suis preneur de commentaires sous ce post qui me permettraient de mieux connaître et donc mieux accompagner le tissu local. À vous !
Bonjour David,
Après la lecture attentive de votre article, qui a vraiment toute sa place sur nos plateformes médias smartrezo.com , souverainete-numerique.com et acteurs-locaux.fr , je ne pouvais pas ne pas vous poser ici un commentaire.
Je suis le fondateur de la plateforme numérique Smartrezo qui pour info est partenaire d’HEXATRUST depuis juin dernier.
Je suis également à l’initiative du « Mouvement des Acteurs Locaux » qui est une association qui milite pour la Souveraineté économique, alimentaire et culturelle de chaque territoire.
Mes petits-enfants vivant dans les Pays de la Loire, je suis en train de chercher à m’implanter sur la Vendée.
A la lecture de votre article, je pense que vous avez toutes les qualités pour participer au déploiement des Acteurs Locaux sur la Vendée. Si cela vous tente, adhérez sur acteurs-locaux.fr et contactez moi au 0563658804
Cordialement,
Michel Lecomte