Un projet d’Intelligence Artificielle [plus communément appelée IA] c’est comme monter une SCOP au far west.” Voilà ce que m’a dit, non sans humour, un client sur le point d’imaginer l’organisation de son premier projet d’IA. Il était étonné du nombre de collaborateurs à impliquer, de la complexité de l’écosystème et de l’absence de méthodologie globale.
Récemment, les dernières questions soulevées par les usages, pour le moins nébuleux, de ChatGPT lui donnent raison, au moins sur le côté far west.
La remarque de ce client et les débuts de polémiques liés à l’utilisation du fameux générateur m’amènent à me questionner sur la capacité des humains à utiliser intelligemment l’IA ou comment le serpent se mordrait bien la queue…
Pour quel usage ? Et à partir de quelles données ?
Il est utile d’abord de rappeler que tous les problèmes ne sont pas éligibles à l’IA elle-même.
Si une personne lamba est face à la réalisation de tâches répétitives et peu valorisantes et que les technologies classiques n’ont pas donné de résultats probants pour améliorer la situation, alors le recours à l’IA est une solution. #casdusage
Cependant, il y a un pré-requis : l’existence de données identifiées, documentées, collectées et stockées de manière qualitative ; et cela ne va malheureusement pas de soi, le plus souvent. En effet, une telle gestion des données requiert de nombreuses compétences, une organisation, et des outils qui n’existent peut-être pas dans votre entreprise.
C’est ensuite, et seulement ensuite, que les algorithmes et des data scientists pourront entrer en action et mettre en oeuvre qualitativement vos datas. #competences Sans compétences et sans méthode, vous risqueriez d’aboutir à tout… sauf à un produit fini permettant d’outiller efficacement votre entreprise.
Parlons limites, éthiques et juridiques
S’il est compliqué et peu accessible d’entraîner (comprenez inventer) son propre modèle, de nombreux outils pré-entraînés existent.
En reprenant l’exemple très médiatique de ChatGPT, on s’apercoit que même si son usage est ludique, son utilité réelle reste à démontrer et son éthique pour le moins discutable.
En effet, qui dit système pré-entraîné, dit entraînement. Or, les conditions d’entraînement de ChatGPT posent des questions éthiques quant aux esclaves modernes qui les subissent.
De plus, lorsque ces conditions d’apprentissage sont méconnues, on se retrouve face à une sorte de boîte noire, opaque, qui produit des résultats non explicables et non traçables. Quid des sources ? Alors, vous vous poserez la question, nécessairement : quels facteurs de confiance forgent les relations qui me lient aux experts missionnés habituellement ?
Si vous êtes parvenu à lever les deux premières barrières (i.e. définir un cas d’usage à partir de données qualitatives + établir une relation de confiance avec un système pré-entraîné fiable), l’utilisation des résultats issus de tels algorithmes se révèle juridiquement complexe : a-t-on le droit d’utiliser ces résultats commercialement ? Qui engagera sa responsabilité en cas de problème relevant desdits résultats ?
Pensez donc à vous entourer, sur ce point aussi, de véritables compétences. #juridique
Et la qualité dans tout cela ?
J’alerterai enfin sur deux autres points…
Celui de la temporalité et de la mise à jour du modèle… quand on sait que l’entraînement de ChatGPT a été stoppé fin 2022.
Celui de la qualité intrinsèque des résultats issus de ces systèmes d’IA… Sur les cas que j’ai consultés (ceux issus de ChatGPT), ils ne dépassent généralement pas le niveau d’un devoir de collègien, dans lequel on trouve peu de créativité, pas d’ironie et encore moins d’humour… ces traits de caractère si humains et qui restent de vraies gageures pour l’IA.
D’ailleurs, je vous invite à lire cet article qui raconte une anecdote révélatrice… Un fan du chanteur australien, ayant généré avec ChatGPT un texte “sur le style de Nick Cave”, a eu la joie de recevoir une réponse personnelle de l’artiste, teintée d’ironie d’ailleurs : “cette chanson est merdique.”
Pour conclure, quelques aphorismes dont ChatGPT n’a peut-être pas encore le secret…
→ Les cas d’usage existent, encore faut-il trouver les bons.
→ Des technologies sont disponibles mais il nous faut apprendre à les utiliser avec méthode et recul.
→ Les technologies liées à l’IA posent de nombreuses questions aux réponses encore floues.
→ De nouveaux métiers et talents (le propre de l’humain, justement !) vont apparaître.
→ Si seulement le buzz autour de ChatGPT pouvait nous permettre collectivement de devenir plus intelligents face aux algorithmes…
→ Et si seulement nous pouvions arrêter de “faire des trucs [juste] parce qu’on peut les faire” comme le dit judicieusement Luc Julia.
Bon… et si finalement, tous les signaux sont au vert ? Alors go… utilisez ce que l’algorithme a généré et que votre entreprise en tire le meilleur !